Curriculum Vitae

Marc Lincourt : L’art au pied de la lettre

Au-delà de la signature paraphée dans un coin de l’œuvre, la présence des mots, et celle du texte comme prétexte, est inhérente à notre expérience de l’art.

Holbein, Dürer écrivaient sur leurs portraits. Van Gogh  intégrait des livres à ses natures mortes. Gris et Picasso parsemaient leur collage de fragments imprimés. Marinetti, Picabia, Klee et combien d’autres  traçaient des lettres et des mots sur leurs toiles. On pense à Magritte et à « Ceci n’est pas une pipe »  et plus près de nous à Cy Twombly;  Larry Rivers; Jasper Johns; Anselm Kiefer ou même au peintre new-yorkais Jean-Michel Basquiat. Ce dernier  habillait de ses mots barrés d’un trait noir ses visions de la jungle urbaine. «Je biffe les mots pour que vous les voyiez mieux, expliquait Basquiat. Le fait qu’ils sont à demi effacés vous donne envie de les lire

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Marc Lincourt a-t-il entendu ces paroles ?  Chose certaine,   à sa manière et dans un registre tout autre, et depuis longtemps, ce dernier  fait bien partie de la grande famille des artistes qui écrivent. À leur suite, dans ses dessins tout commence, et finit, par l’écriture. Et pour écrire, on peut dire que Lincourt  écrit bien. Si bien que l’on y ne comprend rien ! Une excessive lisibilité a tout oblitéré.

Comme il l’a fait dans La Grande Vague, Marc Lincourt poursuit son travail sur les lettres. Maintenant avec d’autres œuvres missives, l’écrit  demeure toujours le lieu du peintre, l’expression graphologique d’un message visuel. Faisant des mots son matériau, le peintre interroge en un même combat la représentation picturale. S’il prend l’art au pied de la lettre, c ‘est pour en faire autre chose.

Voyant ses dessins récents, le spectateur ne s’étonnera pas que l’artiste se soit lancé, lors de deux voyages en Iran en 20101 et 2011, sur les traces de la naissance de l’écriture.  Il a pu ainsi visiter des lieux archéologiques et contempler le résultat de campagnes de fouilles. On ne s’étonnera pas non plus d’apprendre que Lincourt a suivi des leçons de calligraphie en se familiarisant avec l’écriture arabo-persanne auprès d’un maître pakistanais Karschid Alam Gauhar Kalam.

Ses récents dessins refont comme à l’inverse ce trajet. De quoi s’agit-il? Lincourt enlumine inlassablement des lettres couchées sur papier. Il en fait des tracés surprenants. Dans ses dessins, il manie avec précision le feutre. Le point de départ est d’abord l’écriture sur du papier de riz d’une phrase puisée de certaines lectures pour lui inspirantes. Cela peut par exemple être une citation de Rainer Marie Rilke, extraite des Lettres à un jeune poète, ou beaucoup d’autres auteurs encore. Le voici qu’il lance avec sûreté ses lettres sur la feuille.  Les coups de traits jetés forment des cursives, un alphabet. Les lettres se groupent. Elles s’agglutinent selon les directions que leur dicte l’impulsion, à la fois improvisée mais aussi forcément maîtrisée, de l’artiste. Les contours des lettres sont repris les uns sur les autres, s’enchevêtrant, se superposant. Massés ou ajourés, de nouveaux tracés apparaissent. Sur  ces partitions, les lettres créent des ensembles, des réseaux de graphes. De plus en plus illisibles, les lettres agissent à la façon d’une grille qui gomme par caches ce qu’elle recouvre. Les hachures, les courbes, les boucles, les traits liés ou déliés se transforment en une  typographie de plus en plus obscure.  Chemin faisant, Lincourt invente sa propre calligraphie. Conjuguant à sa manière l’alphabet occidental, il obtient en additionnant ses caractères et les surimposant, des grappes de signes qui n’ont plus rien de linéaires.

À mi-chemin entre la lettre  et dessin, ces compositions énigmatiques ne conservent  de ces deux catégories que le pouvoir médusant  de cette forêt d’ébauches et de marques esquissées en  noir  et s’inscrivant au creux du blanc du papier. Du coup le blanc semble être là pour relever les souffles, accueillir cette dentelle de graphies tandis que l’encre ou le trait voit sa mobilité se fixer sur le grain du papier.

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Liés, déliés, ces réseaux font allusion à un registre de l’origine. Les références sont détournées. L’assemblage que forment ces lettres apparaît un peu à la façon de lointaines écritures cunéiformes  ou hiéroglyphes retrouvées sur des  antiques tablettes de Sumer, de Babylone, de Perse ou d’Egypte. Ce caractère énigmatique évoque une langue oubliée, des inscriptions archéologiques ou des signes inconnus gravés sur des pierres anciennes ou des tracés séculaires  à déchiffrer sur parchemins.

Jouant sur  la pluralité, cet alphabet avec les vecteurs contradictoires qui le compose fascine et désoriente. L’œil se saisit de ces amalgames. En les parcourant, il erre à travers leurs labyrinthes. Bien que  les lettres si densément réunies soient  de la sorte devenues paradoxalement illisibles, ici dessin et écriture se confrontent.  Lire et voir se heurte. À travers l’extraordinaire diversité de ces croisements mais aussi de leurs ruptures, ces œuvres  traduisent  la complexité et la difficulté d’énoncer, autour de la lettre visible,   des concepts plus abstraits. Entre le voir et le lire, toutes les tensions sont en jeu.

Le camouflage abouti à un mystère alors qu’en même temps, l’esprit ne peut que se prendre au jeu afin de tenter au départ de percer le sens de la phrase codée. Dans leur surcharge, ces œuvres avec leur amplitude muette ne nous parlent bientôt plus que de leur secret, de ce secret que les lettres et mots n’arrivent ni à décrire ni à expérimenter. Ces dessins nous amènent au seuil d’un sens qui ne cesse de se dérober. En dérivant à travers ces courants incertains, nos yeux n’enregistrent  plus que des  nuages s’entassant  avec leur amas de pictos ou idéogrammes  impénétrables.  Devant ce seuil, les pistes se sont écoulées tandis que se joue le pouvoir de séduction de ces  étymologies aussi incertaines que fragiles. Il faut bientôt  tourner la page, renoncer à trouver la clef et à jouer les Champollion pour  accepter de ne se laisser happer que par une icône redevenue  abstraite.

Chemin faisant, l’écriture s’est transformée en une forme de communication purement optique et abstraite. Les lettres et leurs assemblages dépassent l’armorial de la graphie. Alors que la phrase cryptée est devenue esquisse, croquis,   dessin ou composition, au sein de cette image quelque chose a  fait irruption et  s’est libéré. Il n’y a plus d ‘objet, plus de sujet. Les gestes d’écrire, et de tracer, y seraient perçus comme substance à fabriquer du désir.

René VIAU

Curriculum vitae

Marc Lincourt

Né le 24 février 1944 à Terrebonne,

Marc Lincourt est un artiste autodidacte multidisciplinaire;

dessinateur, peintre, sculpteur et écrivain canadien.

Quelque soit son sujet, son travail nous ramène aux racines, à la mémoire et aux origines.

«Artiste québécois dont le rayonnement est international,

ses œuvres se retrouvent dans les collections publiques

et privées au Canada, aux États-Unis, en Europe, en Asie et au Moyen-Orient.»

Autant la démarche de Marc Lincourt peut paraître rassurante à l’écrit, autant son univers visuel se révèle confondant et paradoxal : il voile le connu pour révéler l’inconnu; il crypte ses messages et il mise sur l’obscurité pour débusquer la lumière. Au gré de ses superpositions aléatoires et de ses détournements de signes, il crée une géographie de motifs improbables, des architectures et des cavalcades de lettres, des planètes, des nuages, une vague, un sablier, voire une bicyclette à guidon !

Pour tout dire, ce livre me fait penser à la trace tangible, écrite, imprimée et dessinée d’une classe de maître. À l’enseigne de la transmission de savoirs, il constitue une invitation à voyager, à s’interroger et à mieux voir pour décoder les signes qui nous interpellent. À sa façon, Marc Lincourt se révèle une sorte de Champollion nous livrant un code d’accès additionnel à ses œuvres. Celles-ci se défendent bien sûr par elles-mêmes, mais il y a là une sorte de valeur ajoutée. C’est un peu comme le jour où un tableau fameux cesse d’être anonyme parce qu’on en a enfin découvert l’auteur et le contexte d’origine : on avance alors dans la connaissance mais en trouvant aussi de nouvelles clefs de sensibilité. C’est comme une écriture admirable dont on perce enfin le mystère : sa magie demeure mais de nouvelles possibilités de dialogue apparaissent.

(Extrait de la préface du livre; Retour aux pierres élémentaires)

JOHN R. PORTER 

 

PRINCIPALES EXPOSITIONS PERSONNELLES

2015  Galerie Jorjani, Téhéran, Iran

2011/2012 Le Centre national d’exposition Jonquière, Québec

Le Musée des Beaux Arts de Sherbrooke, Sherbrooke, Québec

2011 Le Musée d’art contemporain de Baie Saint-Paul

2009/2010 Le Centre national d’archives du Québec, Montréal, Québec

Le Musée de la Côte Nord, Sept Îles, Québec

2008 Le Grenier à sel de Honfleur, Normandie, France

Le Centre Culturel Canadien à Paris, France

Les Muséales de Tourouvre, Normandie, France

La Tonnellerie de Brouage, Charente Maritime, France

2006 La Galerie Talmart, Paris, France

2005 Le Centre international d’accueil et d’échanges des Récollets, Paris, France

2005 Le Printemps de la Sculpture, Chantilly, France

2004 La Maison de l’Architecture, Paris, France

2004 Galerie Vivendi, Paris, France

2003 Station Craig, Des Lettres dans la Ville, Montréal, Québec

2003 Le Salon du Livre de Montréal, Montréal, Québec

2002 Les Jardins de Drulon, Loye-sur-Arnon, France

2001 Galerie Traces/éléments de l’UNESCO, Lyon, France

2000 Musée de la civilisation du Québec, Québec

2000 Galerie Jean-Claude Bergeron, Ottawa, Ontario

2000 Centre d’Exposition Lanaudière, Charlemagne, Québec

2000 Maison de la culture, Sceaux, France

1999 Château des Izards, Coulounieix-Chamiers, France

1999 Maison de la culture, Sceaux, France

1999 Chapelle des Cuthbert, Berthier, Québec

1998 Maison de la créativité, Moscou, Russie

1998 Centre d’exposition, Ile des Moulins, Terrebonne, Québec

1997 Bibliothèque municipale, Bergerac, France

1997 Salon Air France, Mirabel, Québec

1996 Ambassade du Canada, Séoul, Corée

1996 Maison de l’arbre, Jardin botanique, Montréal, Québec

1996 Consulat général du Canada, Nagoya, Japon

1995 Centre d’exposition, Ile des Moulins, Terrebonne, Québec

1994 Salon Air France, Mirabel, Québec

1990 Centre d’exposition, Rouge, Terrebonne, Québec

1990 Musée canadien des civilisations, Hull, Québec

1985 Braam Art Gallery, Ottawa, Ontario

1981 Galerie d’art Les 2 B, St-Antoine sur le Richelieu, Québec

 

PRINCIPALES EXPOSITIONS COLLECTIVES

2007 Art Tempo, Toulouse, France

2005 Pavillon Jacques Cartier, Vieux-Montréal, Québec

2005 Le Printemps de la sculpture, Chantilly, France

1999 Centre d’Exposition Lanaudière, Charlemagne, Québec

1998 Ste-Augustine art, Bordeaux, France

1996 Le Palais des Arts, (Mok Woo-Hoe), Séoul, Corée

1996 Galerie Montcalm, (Mok Woo-Hoe), Hull, Québec

1995 Musée métropolitain, Séoul, Corée

1995 Galerie Montcalm, Hull, Québec

1994 Musée national des arts contemporains, Séoul, Corée

1994 World Trade Exchange Plaza, Ottawa, Ontario

1993 Galerie Kastel, Montréal, Québec

1993 SNBA, Biennale, Grand Palais, Paris, France

1992/1995 Galerie Montcalm, Hull, Québec

1989 Foire de Lille, France

1989/1991 Galerie Montcalm, Hull, Québec

1988 Galerie Interart, Aylmer, Québec

1986 Université d’Ottawa, Ottawa, Ontario

1974 Institut Canadien Français, Ottawa, Ontario

 

 GALERIES

Galerie Jean Claude Bergeron, Ottawa, Ont.

Galerie Jorjani, Téhéran, Iran

 

 

PRIX ET DISTINCTIONS

 1998 Grand prix Desjardins de la culture de Lanaudière, Québec

Finaliste et gagnant du premier prix création-interprétation.

2015 Prix des écrivains francophones d’Amérique pour «Retour aux pierres élémentaires» (essai)

 

RÉSIDENCES D’ARTISTE

 2009 National College of Art, Lahore Pakistan

2008 Le Syndicat mixte de Brouage, France

2006 Le Centre international d’accueil et d’échanges des Récollets

2005 Le Centre culturel de Chantilly, avril 2005

2004 Le Centre international d’accueil et d’échanges des Récollets

2004 Le Centre des Arts contemporains du Québec à Montréal

2002 Les Jardins artistiques de Drulon, France

2000 Maison de la culture de Sceaux, France

1999 Maison de la culture de Sceaux, France

 

BOURSES, AIDES ET SUBVENTIONS

 2015 Ziba sazi, Téhéran, Iran

2010 Municipalité de Téhéran (Ziba sazi) Iran

2010 Ambassade de France en Iran

2009 Ambassade de France au Pakistan

2008 Le Conseil général de Charente Maritime, France

2007 L’Ambassade du Canada à Paris, France

2004 (FICEP) Forum des instituts culturels étrangers, Paris, France

2004 Centre culturel canadien, Paris, France

2003 Fondation pour l’alphabétisation, Montréal, Québec

2002/2010 L’Association Les Passeurs de Lettres, Paris, France

2002 Conseil Général du Cher, France

2000 Conseil Régional de l’Ile-de-France

2000 Ministère de la culture et des communications du Québec

1990 Subvention de la Ville de Terrebonne pour présenter l’exposition ROUGE

1990 Subvention du Gouvernement canadien pour l’exposition ROUGE à Terrebonne

1981 Bourse de travail d’un an du conseil régional de la culture des Laurentides

 

 

ACTIVITÉS PARALLÈLES

2009 et 2014  Conférences sur le processus de création. Téhéran, Iran

2014 contribution littéraire à la revue d’art Parcours

2014-15  Contributions littéraires à la revue Le Roi dragon, Nantes, France

2014 Écriture d’un essai, Retour aux pierres élémentaires. Éditions Triptyque, Mtl, Qc

2005 Atelier de création pour la Fondation Les orphelins d’Auteuil, Paris, France

2003 Ateliers publiques pour les journées de la culture, Montréal, Québec

2002 Atelier de création artistique pour enfants, écoles de Suresnes, France

2002 Atelier de création à des groupes d’insertion, Suresnes, France

1998 Auteur de six contes (Tranches d’espace et miettes de temps)

25 représentations, été 1998,  Terrebonne, Québec

2 représentations au Théâtre de l’Ile, Gatineau, Québec

 

COLLECTIONS

Musée des beaux arts de Sherbrooke

Le collège Saint Sacrement, Terrebonne, Québec

Commission de la capitale nationale, Ottawa

Ville d’Ottawa, Ottawa

Ville de Hull, Hull, Québec

B.O.M.A., Ottawa

Ville de Terrebonne, Terrebonne, Québec

Ministère des forêts, Québec

Gosselin et associés, Montréal, Québec

Cascades inc., Montréal, Québec

Air France, Montréal, Québec

Ambassade du Canada, Séoul

Ambassade de Corée, Ottawa

Consulat général de Corée, Montréal, Québec

Consulat général de Russie, Montréal, Québec

Gouvernement du Québec, Québec

Ville de Bergerac, France

Ville de Sceaux, France

Agence nationale de la lutte contre l’illettrisme, Lyon, France

Fondation québécoise pour l’alphabétisation, Montréal, Québec

Société Hexatek, Montréal, Québec

Délégation Générale du Québec à Paris, France

 

Ainsi que plusieurs collections particulières.

 

Publications

La Grande Vague ou la mémoire de l’eau salée.

Éditions Talmart collection (Mnêma) 2008

 

Article dans la Revue d’art Parcours

Août/septembre 2014 No 81

 

Retour aux pierres élémentaires. (essai)

Éditions Triptyque, 2014

(Prix des Écrivains d’Amériques)

 

Quatre contributions au web magazine Le Roi Dragon.

2013/2014/2015  Nantes, France.

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